Lutte contre la radicalisation : Le gouvernement propose des solutions adaptées mais irréalistes

En février dernier, le Premier Ministre Édouard Philippe a présenté le fruit des réflexions de son gouvernement au sujet de la lutte contre la radicalisation : avec une soixantaine de mesures, toutes plus sensées les unes que les autres il faut l’admettre, il prétend pouvoir assurer à nouveau la sécurité sur le territoire national, trois ans après les attentats de février 2015.

Mais tout ceci reste à l’état de prise de parole, de belles théories en réalité impossibles à mettre en place sur le terrain, faute de moyens humains et financiers. Notre société produit trop de jeunes et moins jeunes qui n’ont aucun but dans la vie et à qui la radicalisation donne un objectif, tout répréhensible soit-il. Ambitionner d’endiguer le phénomène est donc parfaitement irréaliste : on connaît les lieux où cette radicalisation prend racine – salles de combat, terrains de foot, associations islamistes, mosquées où les imams ont des discours radicaux. Le mal est donc partout, habilement insufflé par des éléments embrigadés en nombre suffisant pour essaimer dans tous les endroits où coexistent misère et exclusion, le tout à travers la mouvance salafiste.

À l’origine, cette mouvance est un courant plutôt contemplatif de l’Islam, malgré sa croyance, entre autres, en une future Grande Croisade écrasée par les « fidèles » comme cela est écrit dans le Coran – passage qui n’a toutefois rien à envier à l’Apocalypse de Saint Jean, en termes de violence et de peuple élu. Mais pris au sens littéral – tout comme l’ont été les textes bibliques lors des guerres de religion en France, ne rejetons pas trop vite la faute sur l’Islam ! – ces écrits sont un véritable terreau d’intolérance et de haine, contraires aux valeurs de notre société, suivant l’interprétation que certains en font.

La prévention doit donc être de tous les instants et rivaliser avec les terroristes sur le plan de l’information, notamment auprès des plus jeunes. Une vraie mission d’éducation est à mener, non seulement par l’école et les services publics de proximité, mais aussi par les associations et les familles, pour contrer ce discours dévastateur pour la société, et en démonter les arguments un par un.

Actuellement, les services de Police Judiciaire de la Jeunesse et les services sociaux, en particulier d’éducation spécialisée, ainsi que toutes les autres structures qui œuvrent auprès de publics jeunes sont saturés, à la fois par l’ampleur de la tâche, mais également par les demandes parfois incohérentes des différentes administrations et collectivités qui entravent leurs actions, avec des moyens toujours en chute libre.

Prenons l’exemple des éducateurs spécialisés : alors que leur nombre n’a qu’à peine augmenté depuis des années face à une demande qui, elle, explose, ils se voient confier la mission de prendre en charge les jeunes des quartiers à problèmes, mais également les mineurs isolés (dont ceux issus de l’immigration) et les mineurs de retour du Moyen-Orient ! Le tout, sans effectifs supplémentaires, sans moyens financiers, et sans formation spécifique – alors que les problématiques de la radicalisation relèvent souvent plus de la psychiatrie que de l’éducation !

Il faut d’ailleurs signaler que, malgré leurs actions concrètes au quotidien et leurs résultats indéniables auprès de cette population, ni les services de police, ni les services sociaux ne bénéficient du label « lutte contre la radicalisation », ni bien sûr des financements associés, bien au contraire !

Les moyens humains de proximité sont donc insuffisants et incompétents, faute de pluridisciplinarité et d’action coordonnée entre tous les acteurs liés à ces problématiques. Plus que jamais, l’État a besoin des associations et de la société civile pour combattre ce fléau au jour le jour, partout où il se trouve.

Nos voisins européens nous offrent des modèles de collaboration entre l’État et ses populations, en particulier les Danois. Pourquoi ne pas nous en inspirer ? Le modèle danois a ses limites certes, mais il a l’avantage d’offrir une approche globale de ce phénomène, et d’opérer une prise de conscience et une volonté d’engagement auprès de l’ensemble de ses citoyens. Pourquoi l’État français ne ferait-il pas confiance aux siens ? Sans entrer dans une lutte individuelle, avec les dérives qui s’ensuivraient sûrement, la France comporte suffisamment d’associations et de regroupements sérieux et contrôlables par les autorités pour que chacun, selon ses envies et ses moyens, puisse apporter sa contribution à la sécurité nationale.

Par ailleurs, le gouvernement se félicite de la mise en place d’un quartier carcéral pionnier, réservé aux terroristes présumés, au sein de la prison de Lille-Anoeullin, censé garantir une « étanchéité » entre les prisonniers pour faits (supposés) de terrorisme et les autres, ceci afin d’éviter tout prosélytisme. Les détenus de ce quartier bénéficient d’un suivi personnalisé et pluridisciplinaire, avec des résultats encourageants. Ce dispositif devrait être étendu à d’autres établissements pénitentiaires et 500 places réservées aux prisonniers radicalisés seront créées, sur l’ensemble du territoire, afin de désengorger les prisons d’Île-de-France, qui concentrent 60% des détenus de ce type.

Là encore, la réponse est légère et bien insuffisante : avec quels moyens seront gérées ces unités ? Du personnel sera-t-il recruté et/ou formé à ce public précis ? De plus, créer 500 places alors que plus de 1100 personnes incarcérées sont suspectées de terrorisme et que les combattants de retour du djihad ne cessent de se présenter à nos frontières (où ils sont systématiquement arrêtés), c’est largement sous-estimer le problème.

Ainsi, si les idées sont bonnes, les conditions de leur réalisation ne sont pas remplies à l’heure actuelle, du moins selon la façon dont le gouvernement l’envisage. Plus de contrôle, plus d’éducation et plus de répression, tout ceci est fort raisonnable – et attendu des Français – mais face à ce danger omniprésent, il faut une réponse omniprésente, or elle ne peut venir que d’une relation de proximité et d’un travail de tous les instants, que l’État ne semble prêt ni à accompagner avec les services publics de terrain, ni à déléguer auprès d’associations ou d’autres acteurs compétents.

 

Bruno POMART
– Maire sans étiquette de la commune de Belfou dans l’Aude
– Président et fondateur de l’association Raid Aventure Organisation www.raid-aventure.org
– Ex-policier du Raid – Police Nationale – Chevalier de la Légion d’honneur – Chevalier de l’ordre National du mérite
– Auteur du livre « Flic d’élite dans les cités »