Hommage à Serge Dassault, l’humaniste

En plus d’être le grand capitaine d’industrie en aéronautique à l’échelle nationale et internationale, et l’homme politique parfois controversé que tout le monde connaît, ou croyait connaître, Serge Dassault était avant tout un homme simple et respectueux des gens, qui a œuvré sans relâche pour améliorer la vie des jeunes dans les quartiers, sans jamais s’en vanter et sans jamais s’en servir à des fins électorales.

Je l’ai côtoyé pendant près de 25 ans à travers l’association Raid Aventure Organisation, que j’ai fondée et dont il était le Président d’Honneur, et nous éprouvions l’un envers l’autre une véritable connivence. Nos actions lui tenaient tout particulièrement à cœur car elles véhiculent des valeurs citoyennes, institutionnelles et de vivre ensemble, auxquelles ce grand homme n’a cessé de croire.

Mon histoire avec SD, comme on le surnommait, a débuté alors que je travaillais encore en tant que formateur au sein du RAID Police, premier soutien de mon association, Raid Aventure Organisation, dont celle-ci tire son nom.

En 1995, Serge Dassault est élu maire de Corbeil-Essonnes. Ce faisant, il réalise son rêve : administrer une ville pour se mettre au service de la population – il est à noter qu’il a choisi de se présenter dans une ville traditionnellement communiste à l’époque, dont les habitants font majoritairement partie des classes moyennes et populaires, double défi pour lui, homme de droite et immensément riche, que d’accéder à ce poste et de se faire accepter de tous : c’est définitivement à son franc-parler et à son humanisme profond qu’il doit d’avoir fait sauter toutes ces barrières.

Dès son arrivée à la mairie, il a souhaité m’avoir à ses côtés pour examiner les problématiques « Jeunesses » et tenter d’y apporter des solutions. Devant son enthousiasme, j’ai accepté de le rejoindre en quittant l’unité d’élite que constitue le RAID, squand bien même ce poste représentait pour moi l’aboutissement de ma carrière de policier.

Après 11 ans comme instructeur au RAID Police, je me suis ainsi retrouvé dans les quartiers, à mettre en place des dispositifs d’aide à la jeunesse. Au cours de cette aventure, j’ai découvert un homme extraordinaire, simple, abordable par tout un chacun, plein d’énergie et ô combien sensible au devenir des jeunes, qui forment pour lui l’avenir du pays.

Toujours soucieux du bon fonctionnement de sa commune et du bien-être de ses administrés, combien de week-ends ai-je partagés avec lui sur les marchés du dimanche matin, dans les fêtes de quartiers ? Je ne saurai plus le dire, tant Serge Dassault était curieux, avait envie d’être partout à la fois et de se rendre utile aux autres.

Je me souviens de moments succulents passés au Rond Point, le bureau où il recevait tantôt les plus grands industriels mondiaux pour traiter ses affaires, tantôt les personnalités politiques qui lui faisaient la cour, et tantôt des gens comme moi, acteurs associatifs. Il ne faisait aucune différence entre les personnes issues de ces trois mondes, ou d’ailleurs. Le contact humain, d’individu à individu, d’intelligence à intelligence, lui plaisait par-dessus tout. Sortir d’une discussion axée sur le business pour parler ensuite, et aussi longuement, avec moi de l’avenir de la jeunesse, de la formation et de la valeur du travail, le tout avec une simplicité inégalée et une logique implacable qui tranchent avec les discours feutrés de nombre de politiques que j’ai rencontrés, c’était cela, Serge Dassault.

Je reviens un instant sur cette valeur du travail, dont il était si épris : lors de nos échanges, il n’avait de cesse de me réaffirmer qu’il faut que les jeunes travaillent, il faut leur communiquer le sens de l’effort et les aider. Cette inquiétude qui était sienne a été une inspiration pour moi, et se trouve au centre des dispositifs que propose mon association depuis des années, car il n’y a pas de plus beau combat – et de plus urgent – que celui pour notre jeunesse. Serge Dassault avait compris cela.

Les anecdotes que je pourrais raconter à son sujet sont innombrables. Je me contenterais donc d’en évoquer deux. Un jour, sans prévenir à l’avance, Serge décide de venir sur le site Raid Aventure de Dreux, dans le Domaine de Comteville. Dès son arrivée, il va sans détour au contact des jeunes et échange avec eux le plus communément du monde, dans un langage direct et d’égal à égal : tous ont été impressionnés et se sont montrés respectueux envers lui, même les plus turbulents. Plus tard, en visitant le site, il tombe sur un buggy motorisé et le regarde avec insistance. Je lui demande : « Monsieur, vous voulez l’essayer ? » Ni une, ni deux, voilà Serge hilare parti pour une petite balade dans cette machine, à mes côtés et ceux des jeunes, et au final « heureux d’avoir essayé ce truc ».

Une autre fois, alors que j’organisais une expédition aéronautique en ULM, sur les traces de l’aéropostale, avec des jeunes de la mission locale de Corbeil-Essonnes, je lui propose d’aller ensemble au Salon Mondial de l’ULM à Blois – rien à voir avec le Salon de l’Aviation du Bourget, bien sûr. Il me répond : « Pourquoi pas, ça pourrait être marrant… » et nous voilà aussitôt à bord de son hélicoptère, direction Blois. Les autorités et organisateurs du Salon, auxquels j’avais annoncé sa possible venue m’avaient pris pour un affabulateur, ils ont été bien surpris ! Serge Dassault à Blois, visitant les fabricants d’ULM avec attention et écoute, ça faisait sensation ! Lors de ce même salon, je l’invite à prendre place dans un pendulaire. Il s’exécute avec un sourire et, une fois installé, me dit : « Vous volez, dans ce truc-là ? C’est fou ! » C’était tout lui : toujours curieux de tout, respectueux, attentif et émerveillé de découvrir tous ces engins volants, tellement éloignés des Falcons et des Rafales.

Serge Dassault restera dans ma mémoire et dans mon cœur comme un personnage rare, inégalable dans la sphère des grands chefs de l’industrie mondiale. Il demeurera le seul, de mon point de vue, à avoir su vivre dans les deux mondes : celui du grand capital et celui des gens du quotidien dont je fais partie. Toujours tourné vers les autres, il devrait être un exemple pour de nombreux politiques et de nombreux grands de ce monde, pour son humilité et sa capacité à avoir su rester les pieds sur terre.

 

Bruno POMART
– Maire sans étiquette de la commune de Belfou dans l’Aude
– Président et fondateur de l’association Raid Aventure Organisation www.raid-aventure.org
– Ex-policier du Raid – Police Nationale – Chevalier de la Légion d’honneur – Chevalier de l’ordre National du mérite
– Auteur du livre « Flic d’élite dans les cités »