Gilets jaunes : des manifestations citoyennes ne devraient jamais céder à la violence

Samedi 1er décembre, j’ai été bouleversé et indigné de voir les images de Paris, mais aussi d’autres villes de France, avant et après la dispersion des manifestants. Qu’un mouvement citoyen soit ainsi détourné de son objectif par de telles violences, cela dépasse l’entendement !

Le droit de manifester afin de faire entendre ses idées, sa colère ou ses doléances est un droit tout ce qu’il y a de plus démocratique. Mais quand ce droit est outrepassé par toute une frange des manifestants venus pour casser, saccager ou en découdre avec les forces de l’ordre, cela n’est pas tolérable, et j’espère que ces gens seront jugés avec la plus grande fermeté par la justice française.

Le patrimoine français ne méritait pas un tel déferlement de haine, ni d’être profanés au son provocateur de La Marseillaise, les commerçants – parfois des sympathisants du mouvement avant d’en être les victimes – ne méritaient pas de voir leur lieu de travail et leurs biens ainsi pillés, les policiers, pompiers et gendarmes mobilisés ne méritaient pas d’être caillassés ou menacés physiquement alors qu’ils ne faisaient que remplir leur mission de sécurisation des citoyens, manifestants et non-manifestants.Et surtout, les gilets jaunes eux-mêmes ne méritaient pas une « publicité » aussi contre-productive, qui rend aujourd’hui leur message d’autant plus inaudible, à la fois par le gouvernement et par une partie de la population française.

Je tiens à saluer ici le courage, le sang-froid et la bienveillance des forces de l’ordre, qui étaient armées mais ont choisi de faire face sans jamais user de la menace de leur arme. Tous savent que si une personne était tuée, d’un bord ou de l’autre, cela mettrait le feu aux poudres et pourrait plonger le pays dans un état proche de la guerre civile.Tous ont conscience qu’ils doivent avoir un comportement exemplaire et ne pas répondre aux agressions par plus de violence encore, car leurs faits et gestes sont observés et la moindre défaillance de leur part pourrait donner de mauvaises idées, notamment aux jeunes des banlieues, qui n’attendent qu’un prétexte supplémentaire pour raviver un peu plus les hostilités.

Je veux également exprimer mon respect et ma considération pour ceux, parmi les gilets jaunes, qui ont tenté de faire barrage à cette déferlante. Je conserve en mémoire cette image d’hommes et de femmes qui ont essayé de protéger l’Arc-de-Triomphe et la flamme du soldat inconnu, symbole s’il en est d’une France républicaine et unie au sortir de la Première Guerre Mondiale. Je remercie également ces manifestants qui ont aidé à évacuer un CRS isolé, menacé de lynchage par des casseurs.

De nos jours, toutes les manifestations sont parasitées par ces individus radicalisés ou amateurs de violences gratuites. Pourtant, samedi, ce n’étaient pas seulement des « casseurs » au profil connu des services de sécurité, issus de l’ultra-gauche ou de l’ultra-droite ou repérés comme éléments violents, qui ont opéré. À ces personnes aux motifs opportunistes se sont greffés des gilets jaunes insérés socialement, des pères et des mères de famille, des travailleurs de tous les secteurs, qui ont cédé aux sirènes de la violence.

Je comprends la colère, le désespoir parfois, et je comprends les frustrations que tout un chacun peut ressentir quand il se retrouve face à un gouvernement inflexible et sourd. Mais rien ne justifie un tel passage à l’acte. Les conséquences pour ces personnes jusqu’alors hors des radars de la police vont sûrement fragiliser encore plus leur existence sans servir la cause dont ils se réclament.

J’ai lu avec attention les revendications des gilets jaunes, et bon nombre d’entre elles sont tout à fait accessibles pour peu que les deux camps – manifestants et gouvernement – acceptent enfin à s’asseoir ensemble à une table de négociations avec l’esprit ouvert. Se braquer encore plus comme l’envisagent certains gilets jaunes ne peut déboucher que sur une impasse. Seul le dialogue peut sortir la France de cette situation désastreuse, tant pour son économie que pour son image hors de nos frontières.

Le Président Macron ne souhaite pas pour l’heure rétablir l’état d’urgence, pourtant les événements de ces derniers jours auront des suites semblables à celles des attaques terroristes des années précédentes : qui prendra le risque de sortir le jour des manifestations s’il ne souhaite pas s’y retrouver mêler ? Qui aura envie de sortir ou de faire du tourisme dans un Paris ou une autre ville de province ravagée ?

De nombreux gilets jaunes font preuve de civisme et de bonne volonté, pourtant ce seront les premiers à quitter les manifestations si de telles violences se reproduisent et c’est bien normal : qui partirait le matin défendre ses idées pour rentrer le soir bousculé, gazé, agressé voire blessé ? C’est un jeu de la peur que les casseurs veulent instaurer, pour rallier le plus de monde possible à leur folie destructrice, pour faire trembler le gouvernement sans souci du lendemain et pour pousser à bout des forces de l’ordre déjà durement éprouvées, pour ne pas dire qu’elles sont à bout de souffle ! Nous ne devons surtout pas y céder !

Les forces d’ordre ont les moyens de neutraliser les casseurs avec les CSI, les BAC, les unités CRS et les gendarmes mobiles, à condition de recevoir des ordres précis de la part des autorités politiques. Celles-ci doivent prendre leurs responsabilités sachant qu’il y a risque de mort. De plus, si les militaires pouvaient soulager les policiers en s’occupant de la sécurité des bâtiments publics, ces derniers pourraient être mobilisés plus efficacement sur les interventions.

Samedi, les lycéens se sont mêlés aux manifestations dans plusieurs villes comme Toulouse, Narbonne, Tarbes ou Albi.Tous les gouvernements le savent : quand la jeunesse s’empare de la rue, tout mouvement peut rapidement exploser. Aussi devons-nous réfléchir ensemble à la société que nous voulons pour ces jeunes, aujourd’hui et demain ? Car c’est bien la question qui se pose à travers cette grogne nationale : il est évident que notre mode de vie, libéral, capitaliste et fondé sur le mot d’ordre de la croissance, est en train de trouver ses limites.

Nul besoin d’être un écologiste chevronné pour constater que le défi de demain sera autant environnemental que social. Opposer les deux serait faire un contresens sur ce qu’est réellement l’écologie. La façon d’accorder les deux dans le quotidien des Français et dans l’action politique de nos représentants sera tout l’enjeu des prochains mois. Espérons qu’à l’issue des trois mois de consultations annoncés par le Premier Ministre, Édouard Philippe, tous deux puissent s’en trouver grandis et que les images de désolation de ces jours-ci ne soient plus qu’un mauvais souvenir.

Bruno POMART
– Maire sans étiquette de la commune de Belfou dans l’Aude
– Président et fondateur de l’association Raid Aventure Organisation www.raid-aventure.org
– Ex-policier du Raid – Police Nationale – Chevalier de la Légion d’honneur – Chevalier de l’ordre National du mérite
– Auteur du livre « Flic d’élite dans les cités »